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par Ggio » 31 octobre 2018, 11:40
Yeah, c’est cool d’avoir plein de témoignages, plein d’histoires différentes, c’est vraiment inspirant.
Mon accession au Parkour et au mouvement en général a été un long chemin. Mais ça a été des étapes par lesquelles je ne regrette pas d’être passé.
Je suis dyspraxique. Grossièrement, ça veut dire que j’ai des troubles de la motricité. Petite, j’ai pris un temps fou à apprendre à m’habiller, faire mes lacets, me déplacer sans me cogner. Danser, reproduire des mouvements que me montraient d’autre personnes, était vraiment difficile. C’est un handicap qui m’a beaucoup pesé dans mon enfance : je ne savais pas quoi faire de mon corps, et ça se voyait. Donc j’ai été élevée avec des parents (certes bienveillants) qui me dissuadaient toujours de prendre des risques. Mon entourage me faisait comprendre sans cesse que je ne serais jamais capable de bouger, et je m’en suis persuadée.
Insidieusement, en plus du handicap (réel), ces conseils me dissuadaient de m’acharner et d’atteindre ce que je voulais profondément : comprendre, ressentir, bouger (mais ça, je ne le savais pas encore, dissonance cognitive oblige).
J’ai passé une enfance très statique. Je ne courais pas, je ne grimpais pas. Je me suis passionnée pour le dessin et la lecture, j’étais peu sociable.
C’est au lycée que j’ai compris ce que je recherchais profondément. Mais il m’a fallu encore deux ou trois ans avant de passer à l’action. J’étais encore très influencée par cette croyance solidement ancrée. Alors je regardais des vidéos, et je ressentais un sentiment doux amer, parce que j’étais persuadée que je ne serais jamais capable de ça, et que ça m’était interdit.
Puis j’ai bougé à Lille, pour mes études, et je me suis inscrite à Parkour 59. Un an auparavant, j’avais commencé à pratiquer seule, en suivant les tutoriels de Roonie Street Stunts (sa pédagogie fonctionnait bien sur moi, je vous le conseille si vous être une personne qui a besoin qu’on lui dise quoi ressentir), mais ce n’était pas très probant : j’étais seule, avec peu de spots et peu de temps.
M’inscrire à l’asso a vraiment fait une différence : il y avait un cadre, un rythme, et des gens avec qui échanger. Mais je me présentais toujours comme une personne dyspraxique, je m’excusais d’être mauvaise…
Alors que j’étais… débutante ! Donc… mauvaise par nature, comme tout le monde.
Il m’a fallu un moment pour définitivement me défaire de mes conditionnements. C’est à peu près au mois d’avril 2017 que j’ai eu un déclic en discutant avec un autre traceur.
Je lui ai dit ce que je disais à tout le monde, et à moi-même : « Je suis dyspraxique, donc c’est normal que j’apprenne plus lentement que les autres ». Et il m’a naturellement répondu « pourquoi ? », puis a suivi une discussion sur l’auto conditionnement.
A savoir qu’à l’époque, j’avais quand même 19 ans d’existence, et donc autant de temps pour compenser mon handicap. En réalité, s’il ne disparaitra jamais, j’ai trouvé des chemins (différents) pour arriver à faire fonctionner et ressentir mon corps dans l’espace. Le handicap fait donc partie intégrante de mon fonctionnement et de mon développement, et conditionne donc ma manière de bouger. Au fond, je n'aurai jamais été traceuse si je n'avais pas été dyspraxique. En ressentant ces difficultés, j'ai été mise face à ça, j'ai été obligée de m'y intéresser. Et j'ai forgé grâce à ça une ténacité et une envie que je n'aurai pas eu si je n'avais pas eu à me questionner sur ce sujet. Ça m'a permis de savoir clairement pourquoi je pratiquais, et ma motivation va bien au delà de la discipline elle-même (mais je pense que c'est le cas de tout le monde à peu près).
En ça, je me retrouve énormément dans ce que tu dis Evan, par rapport à l'idée de faire du mouvement une choses quotidienne, naturelle et ancrée dans nos déplacement permanents; et ainsi apprivoiser notre environnement et notre rapport à l'espace. (c'est pourquoi je ne m'étendrai pas là dessus, parce que je trouve que tu résume efficacement cette sensation)
Les traceurs, et la « communauté » de Parkour
En réalité, ce qui m’a vraiment aidé, ça a été de rencontrer d’autres traceurs. J’étais tellement focalisée sur mon handicap que je ne me suis pas rendue compte que ce que je vivais avait été ressenti par tous les traceurs, hors handicap, en tant que débutant (soit, la situation dans laquelle j’étais, et je suis encore, avec mes moins de deux ans de pratique). J’ai passé ma vie à me sentir différente, et échanger avec des gens m’a fait me rendre compte que non, pas tellement en fait. Etre dyspraxique, c’est une caractéristique. C’est comme avoir une scoliose, avoir un bras plus long que l’autre, être grand, être fin, être musclé ou être gras. On nait avec un corps (et le ressenti de ce corps), ensuite il est nôtre, on le forge, et on s’y habitue. Tout ce qu’on apprend a pour siège ce corps ; tous, handicapés ou pas, on compense les déséquilibres naturels sans s’en rendre compte.
Ce qui et vraiment appréciable, c’est que c’est une pratique qui se fait dans et hors les murs. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il y a à la fois des gens qui pratiquent seuls, en asso, ou avec de potes (et un mélange de tout ça la plupart du temps). Dans les groupes que j’ai fréquentés, il y a toujours eu un beau brassage entre les débutants et les personnes plus confirmées. Subtilement, ça m’a habitué à être entourée de personnes pédagogues qui, quel que soit leur niveau, n’hésitent pas à spontanément donner conseil et à en demander. J’ai toujours une impression de gagner en sérénité quand je trace avec des gens, parce qu’ils ont tous leur histoire, leurs difficultés, leur propre rapport au mental.
J’ai l’impression que c’est un sujet qui revient souvent : on pointe nos difficultés, on dit vouloir les travailler. Par ce biais-là, on se rend disponible pour recevoir conseil. Je pense que cette idée-là résume bien ce qui me plait dans « l’esprit parkour». Soit ce qui s'incarne traditionnellement dans les valeurs d'entraide, de partage et de non-compétitivité
A.k.a Lea
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