Il y a la pratique et il y a être un.e pratiquant.e.
J’ai beau avoir pratiqué pendant une dizaine d’années une vingtaine de sports différents, il n’y a que le Parkour où je me sens vraiment pratiquant.e.
Pourquoi ?
Nous pouvons pratiquer un sport sur un créneau horaire pendant des années sans que ce sport imprègne notre vision du monde. Juste pour ne citer que quelques exemples, j’ai fait du badminton, de la course d’orientation et tout un tas de sports qui s’arrêtent dès la sortie du gymnase. J’y ai certes développé des capacités mais elles sont dérisoires par rapport au Parkour. La plongée sous-marine, la randonnée permet de développer une sensibilité à la nature mais cela dépend des gens avec qui nous pratiquons. Les arts martiaux demandent près de 10 ans de pratique avant de pouvoir accéder pleinement à la philosophie derrière ces pratiques. Un jour je sais que je consacrerai ces dix ans mais aujourd’hui je n’en suis pas là.
Le Parkour, je ne peux ni sortir de la rue/nature, ni dépendre des gens avec qui je pratique et j’ai été sensible à la philosophie du parkour sans avoir besoin d’attendre 10 ans de pratique.
J’ai commencé le Parkour à une période de ma vie où je souhaitais
un entraînement intense et exigeant pour construire une sincère confiance en mes capacités. J’ai appris à prendre conscience de mes propres limites physiques et mentales. Il n’y a pas de mode d’emploi, c’est un travail solitaire qui demande de la persévérance, de la résistance et de la sensibilité. Je me suis appuyé.e sur ces changements dans mon corps et dans mon mental pour y ancrer une philosophie de la liberté. Cette liberté ne peut être que totale donc elle implique des changements profonds dans sa façon d’être. Ces changements passent par la prise de conscience et l’abandon des certitudes que j’entretiens à mon égard et envers ma perception du monde. C’est une remise en question permanente des choses qui me semblaient impossible ou irréalisable, lorsque mon cerveau me dit que c’est impossible et que mon corps me prouve le contraire. Je comprends que je suis un.e pratiquant.e que parce que je ne peux plus revenir en arrière, j’arpente une voie. Le Parkour produit un rapport au monde que je n’acquiert que de cette façon là : en le pratiquant.
Quel est ce rapport au monde ?
Le regard que je pose sur les obstacles ceux physiques dans le Parkour et aussi ceux plus généraux a changé. L’acquisition des techniques pour franchir ces obstacles permet de prendre confiance en ses capacités et d’être plus serein.e fasse aux événements de la vie car nous savons ce que nous pouvons gérer.
Le Parkour me permet de gagner en
indépendance :
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Indépendance Matérielle et Financière : J’ai commencé le Parkour dans un contexte de pandémie mondiale où toutes les salles de sport étaient fermées et où j’étais étudiant.e. Ça tombe bien au Parkour ni besoin de salle, ni besoin de matos, sa vielle paire de basket et son jogging suffisent.
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Indépendance Sociale : Le Parkour me permet de me défaire de mon conditionnement. J’ai l’impression d’appeler « Parkour » la façon dont j’ai réellement envie de me déplacer mais que j’ai oublié à grand coup de « on m’a dit que je devais faire/être comme ci ou comme ça » que ça soit des injonctions explicites ou implicites. Ensuite il n’y a pas de « débutanphobie » je trouve, pas de compétition non plus tout est strictement personnel. Je me recentre sur mes blocages mentaux et nous avons tous plus ou moins de confiance en soi permettant de lever ces blocages. Jamais il ne me viendrait à l’idée de me comparer et donc de juger des personnes entre elles en fonction de leur capacité à lever ou non ces blocages. Cette confiance en soi relève de trop d’éléments de la vie d’une personne pour que cela ait un sens de les comparer à d’autres personnes. Nous sommes notre propre référentiel de progression. D’ailleurs c’est important à mes yeux de préserver cela. Je pense que le Parkour n’a pas sa place au JO, ni dans des compétitions. De plus j’ai mes propres difficultés et le Parkour me permet de les travailler en choisissant de m’offrir aux jugements des uns et en déniant aux autres le droit de me juger. J’ai appris à me détacher du regard des autres même si j’utilise ce regard pour questionner l’importance de nos conventions sociales.
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Indépendance éthique : Nous réfléchissons à notre place par rapport à « la norme » car c’est évident que nos déplacements divergent de la norme. Ce n’est pas rare d’être à la limite de la légalité notamment à propos des propriétés privés, le parkour permet de se demander si certaines lois sont justes et de réfléchir à des normes plus justes. J’ai peu de recul sur le rapport à la légalité des traceur.ses car je reste assez soft. Mise à part quelques regards curieux et se faire virer par les vigiles des parking, il ne m’est rien arrivé. Je remarque simplement que les traceur.ses ont moins de réticenses lorsqu’il s’agit de faire de la récup, s’ouvrir à des réflexions subversives ou prendre des risques.
Cette indépendance passe par l’exploration de son corps et de son environnement.
Je suis passé.e de vivre passivement dans un lieu (maison, courses, cours) à y vivre activement parce que je me suis mis.e à chercher les spots. J’ai toujours été extrêmement curieux.se. Lorsque je me suis autorisé.e à occuper les lieux en pratiquant, à rencontrer des gens, à y laisser des traces, y développer ma créativité et y habiter vraiment en somme, je me suis senti.e vraiment intégré.e.
La composante d’exploration au Parkour permet une très grande créativité. Dans les autres disciplines, je n’ai pas encore eu la chance d’avoir un espace pour m’exprimer vraiment (sauf au cirque). Un jour je sais que je ferai beaucoup plus de danse pour allier fluidité, efficacité et harmonie dans ma façon de bouger. Je n'y ai pas encore beaucoup réfléchis (ni expérimenté) le format vidéo pour montrer sa vision de la pratique du Parkour mais ça peut être un moyen d'expression intéressant.
J’ai été initié.e au Parkour en Juillet 2020 avec Serpio près de Paris. Dès les jours qui ont suivi, je regardais mon environnement différemment, je cherchais les spots, les lieux à escalader. La « Parkour Vision ». Je me suis remis.e à grimper sur tout ce qui bouge … pas

Ensuite j’ai rencontré GGio et nous avons progressé ensemble en Parkour mais aussi dans pleins d’autres domaines et nos passions communes. Et c’est seulement vers Février 2021 que j’ai réussi à avoir un rythme régulier dans ma pratique du Parkour. Je fais plusieurs séances de sports de combat à côté donc j’ai intégré le Parkour différemment à ma vie, c'est une pratique quotidienne où je prends le temps de m'arrêter à chaque spot pour pratiquer un peu et m'habituer aux mouvements.
Quel est mon rapport à mon corps ?
Je n’avais jamais pensé à en parler parce que c’est difficile de mettre des mots sur cette évidence. Je voue un profond respect à mon corps. Je respecte mon corps bien plus que tout le reste et pourtant je passe mon temps à lui infliger des souffrances. Elles sont nécessaires pour le rendre plus solide car je ne veux pas avoir un beau corps [selon les standards de beauté], je veux un corps qui me permettent de vivre pleinement. De la même façon j’inflige aussi des souffrances à mon esprit à travers une forte charge mentale. Je recherche les expériences à lui faire vivre, sous forme de jeux qui me construisent moi-même vers la maîtrise de mon corps, vers ma propre découverte. Actuellement je suis obsédée par le mouvement : Bouger plus, Bouger mieux, Bouger avec plus de liberté, Bouger avec plus de compréhension, Bouger ! Bouger ! Bouger ! J’ai appris un nouveau langage, celui de mes sensations. Je me répète que je suis courbe, spirale, parabole, tiré.e vers le haut, guidé.e par les genoux, que je suis léger.e mais surtout que je suis libre.
Avec tout ça je me dis que je devrais lever le pied, viser la stabilité et l’harmonie mais je n’y arrive tout simplement pas car je ne le souhaite pas, je ne vivrai pas longtemps et puis tant pis.
La peur de finir en bouillie 10 m plus bas par erreur est omniprésente. Si l’erreur ne se solde pas par la mort, elle peut se solder par un handicap lourd. Je me dis juste « J’ai joué, j’ai perdu » lorsque j’envisage cette possibilité. Dans un monde où l’injonction est de vivre longtemps et en bonne santé, c’est dur à entendre.
Traceur.ses VS les autres
Grâce au Parkour j’ai rencontré des personnes avec une mentalité qui me plaît, elles remettent en question les normes implicites des déplacements dans l’urbanisme mais également les normes en générales. Ces remises en question me font du bien car elles permettent de moins se prendre la tête. Il manque un matelas pour dormir tous ensemble ? Pas grave, on escalade la grille du local poubelle de Conforama pour récupérer gratuitement un matelas fraîchement jeté pour rien. Simple, Efficace, ce sont nos propres lois, celles que nous avons réfléchis, celles qui réduisent nos incohérences entre nos valeurs, notre mode de vie rêvé et la réalité. De la même façon, elles sont conscientes des excuses qu’elles se disent en permanence et choisissent d’être courageuses en levant leurs blocages mentaux. J’ai rarement trouvé autant de personnes qui font du stop, vegan/freegan dans une communauté de sport.
Je suis une personne qui apprécie se confronter à des milieux sociaux radicalement différents du mien et je me suis jamais senti.e aussi bien qu’avec les traceur.ses.
Pour conclure
Si je devais choisir les 3 meilleurs sports à pratiquer dans une vie, ça serait le Parkour, l’escalade sous toutes ses formes et un art martial/sport de combat (je ne les ai pas encore tous testés, je ne peux pas encore en sélectionner un :3)
Et le cirque évidemment, c'est à la fois un choix personnel et un concours de circonstance. Mais si on devait me greffer une chose ça serait mon diabolo
Muscles qui se délient
Mouvements dans le défi
Fluidité
Merci d'avoir lu jusqu'au bout.